Séminaire de Recherche en Didactique et Epistémologie des Mathématiques :

Le 26 novembre 2013 à 17:15 - Faculté d'éducation (ex-IUFM), Montpellier


Présentée par TANGUAY Denis - UQUAM (Montréal)

Conjectures, postulats et vérifications expérimentales dans le paradigme du géomètre-physicien : comment intégrer le travail avec les logiciels de géométrie dynamique ?



À l’origine de notre programmation de recherche, nous cherchons à savoir s’il est possible d’initier les élèves du début du secondaire (12-15 ans) au raisonnement déductif et à la démonstration sans inhiber chez eux la capacité à recourir à des démarches flexibles et ouvertes dans les phases d’exploration, sans disqualifier les raisonnements inductif et analogique. Nous avons déjà fait valoir que le passage de l’argumentation à la démonstration, qu’a bien caractérisé Duval (1991), nécessite de l’élève une ‘décentration’ à travers laquelle il reconsidère la primauté de ce qui est en jeu, la validité des enchaînements déductifs devant prendre le pas sur la vérité des propositions sans toutefois l’occulter. Mais ce nouveau point de vue pour l’élève relève d’un regard de deuxième niveau, puisque que c’est alors son propre raisonnement que l’élève évalue. Nous faisons l’hypothèse qu’un tel regard ne peut être efficacement provoqué que si les élèves sont pleinement impliqués dans une édification théorique, avec des résultats qui s’enchaînent dans la théorie comme les propositions le font dans chaque démonstration. Nous examinons un tel processus en géométrie, mais nous envisageons que d’autres domaines soient étudiés sous cet angle, par exemple l’arithmétique ou les mathématiques discrètes. Inspirés des réflexions de Jahnke (2007), nous concevons cette édification d’une théorie géométrique comme elle le serait en physique, de façon à réconcilier les démarches empiriques (ou expérimentales) et les démarches déductives, pour que les deux soient appréhendées par les élèves comme complémentaires plutôt qu’en opposition. Cela implique en particulier que soit reconsidéré le statut des axiomes, pour en faire de véritables ‘hypothèses de recherche’ au sens que les sciences expérimentales donnent à cette locution (Jahnke, 2007, 2010). Il s’agit aussi de reproblématiser les place et statut attribués au mesurage, notamment en prenant pleinement en compte les questions de la fiabilité de la mesure, de l’exactitude par rapport à l’approximation. Or, quand les mesures sont produites par les fonctionnalités ad hoc des logiciels de géométrie dynamique (LGD), ces questions se compliquent parce que les élèves sont d’emblée convaincus que ce que les LGD donnent à voir à l’écran est nécessairement exact et valide. Nous envisagerons des instrumentalisations de GeoGebra susceptibles de contourner cette difficulté. Nous proposerons l’analyse a priori d’une activité qui convoque arithmétique et géométrie, et suscite entre autres un travail sur les représentations des nombres rationnels. Elle est initiée par des manipulations géométriques avec GeoGebra et amène les élèves à réfléchir, en contexte riche et significatif, aux dualités objet idéal / représentation visuelle, mesures exactes / approximations, et aux types de certitude qui en découlent. Une première expérimentation « hors classe » sera présentée et discutée. Parmi les avenues permettant d’impliquer la classe dans une édification théorique et d’en faire une véritable communauté de chercheurs — au sens de Wenger (1998) et de Legrand (1988) —, nous proposerons l’élaboration et l’exploitation d’un répertoire de fiches construit par la classe, et se constituant progressivement en référentiel théorique (Kuzniak, 2010), dans le cadre de ce que nous avons appelé le ‘paradigme du géomètre-physicien’ (Tanguay & Geeraerts, 2012, 2013).



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