pensées. réflexions. citations. absurdités. évocation de certains sujets, de société, scientifiques ou plus personnels, qui me tiennent particulièrement à coeur, et sur lesquels je m'efforce d'apprendre, comprendre, partager, initier des échanges et discussions.
à propos des LLM commerciaux (chatGPT, Gemini, ...)
je refuse d’utiliser les modèles d'IA génératives (LLM) issus des sociétés commerciales américaines, essentiellement pour deux raisons:
1) je ne suis pas un cobaye
2) je ne soutiens pas les projets techno-fascistes, au modèle économique fondé sur le vol de données
la liste des raisons de s'y opposer est bien plus longue, mais ces deux là me suffisent amplement.
transition écologique: un sentiment dominant d’injustice quant à la répartition des efforts
L’acceptabilité des politiques de transition se heurte pour une part à ce climato-scepticisme et à ce climato-complotisme, mais aussi plus largement à la perception que s’en font les individus en termes d’équité et de justice sociale – toutes ces dimensions étant d’ailleurs partiellement imbriquées. Or domine dans la population la conviction que les efforts en matière de lutte contre le dérèglement climatique sont et seront injustement répartis.
On le repère à partir de questions sur la répartition des coûts. Ainsi, un énoncé tel que « la sobriété énergétique est imposée seulement au peuple, mais pas aux élites » rencontre une approbation archi-majoritaire : 76 %. La lecture par clusters des résultats montre que la sensibilité écologique des uns et des autres est sans influence sur les réponses. Les seuls groupes qui soient opposés ou tout du moins partagés sur un énoncé de ce type sont les trois clusters les plus élitaires : Sociaux-Démocrates, Centristes et Libéraux.[...]
Que nous disent ces résultats ? Que toute demande de sacrifices ou tout simplement de contributions même modestes à la lutte contre le changement climatique
risque de se heurter à ce type de narratif. Pour le formuler très simplement, on devine aisément combien il est délicat de justifier l’interdiction
à terme de circuler en véhicule diesel dans les aires métropolitaines – ce que prévoient les ZFE en France – ou même tout simplement l’interdiction d
e vendre des véhicules thermiques (à partir de 2035 dans l’Union) quand dans le même temps on autorise les yachts et la circulation e
n jets privés. Nul besoin d’être expert en émission de CO2 pour ressentir, ici, que ce ne sont pas les plus gros pollueurs qui
sont les plus contraints.
Il n’est pas certain, loin de là, que davantage de justice en matière climatique suffirait à produire une
conversion massive à des comportements plus sobres et plus éco-responsables, mais il est certain, en revanche, que tout défaut d’exemplarité du
côté des responsables publiques (comme prendre l’avion pour de courts déplacements) et toute exemption concernant les pratiques des
plus riches seront inévitablement mobilisés par des pans entiers de la population pour refuser tout
effort en matière de lutte contre le dérèglement climatique ; et cela d’autant plus, qu’en la matière,
c’est bien le free riding (ou attitude du passager clandestin) qui constitue l’attitude la plus courante.
Extrait de
Groupe d'Etudes Géopolitiques - Quand le clivage écologique devient saillant.
des inégalités socio-économiques et géographiques dans l'ESR
les opportunistes prompts à profiter des luttes sociales et progressistes pour favoriser leur parcours personnel ont toujours été nombreux, et cet opportunisme est particulièrement observable de nos jours.
Capables d'identifier les situations d'inégalités ou d'injustice lorsqu'ils sont personnellement concernés,
ils me rappellent qu'il est possible de se sentir "concerné" d'une manière très élastique.
cette élasticité, ou "progressisme à géométrie variable", est particulièrement notoire dans le monde de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche (ESR). rappelons donc à certains et certaines collègues, avides de réparer les injustices qui les frappent, tout en "réduisant les inégalités de l'ESR", qu'il y a environ
80 fois plus de chances d'être diplômé dans l'ESR lorsque l'on est soit même enfant de parents diplômés de l'ESR (et accessoirement 30 fois plus de chances lorsque l'on habite la région parisienne).
c'est véritablement un éléphant dans la pièce que bon nombre de collègues, fils/filles de profs, font mine de ne pas voir, préférant l'entre-soi.
de manière cynique, et sur un plan personnel, il est en effet bien plus pertinent de s'impliquer dans des "combats" pouvant s'inscrire et être valorisés de façon presque-sûre dans une quête de reconnaissance professionnelle ou personnelle.
profiter d'intérêts convergents est une tentation bien humaine. pourtant, il ne me parait pas contradictoire de chercher à conjuguer des exigences d'améliorations pour les couches de la population les plus touchées par la pauvreté et les injustices sociales (incluant l'accès à l'ESR), avec les revendications de reconnaissances juridiques, institutionnelles et culturelles de "minorités" sociales.
un laboratoire de recherche
j'ai relu "Les Fourmis" avec ma fille cet été. je n'aurai jamais pensé citer B.Werber, que je n'apprécie pas vraiment. Mais je n'ai pas su résister ...
" - Dans une équipe il y a des chefs. Edmond ne supportait pas les chefs, ni d’ailleurs aucune forme de
pouvoir hiérarchique. Il a toujours eu du mépris pour les gestionnaires, qui ne
font que « diriger pour diriger sans rien produire », comme il
disait. Or nous sommes tous obligés de lécher les bottes de nos supérieurs. Il
n’y a pas de mal à cela. C’est le système qui le veut. Lui, il faisait le fier.
Je crois que ça nous agaçait encore plus, nous ses pairs, que les chefs
eux-mêmes.
— Comment est-il parti ?
— Il s’est disputé avec un de nos sous-directeurs, pour une affaire dans laquelle il avait, je dois le dire…
totalement raison. Ce sous-directeur avait fouillé dans son bureau, et Edmond a piqué un coup de sang.
Quand il a vu que tout le monde préférait soutenir l’autre, il a bien été obligé de partir.
— Mais vous venez de dire qu’il avait raison…
— Mieux vaut parfois se comporter en lâche au profit de gens connus, même antipathiques, qu’être
courageux au profit d’inconnus même sympathiques. Edmond n’avait pas d’amis
ici. Il ne mangeait pas avec nous, ne buvait pas avec nous, il semblait
toujours dans la lune.
— Pourquoi m’avouez-vous votre « lâcheté », alors ? Vous n’aviez pas besoin de me raconter tout
ça.
— Hum, depuis qu’il est mort, je me dis que nous nous sommes quand même mal comportés. Vous êtes son neveu,
en vous racontant ça je me soulage un peu… "
passages, frontières et altérité
"C'est un privilège magnifique de pouvoir se taire et d'écouter des corps présents, intelligents et généreux.
Rien ne nourrit plus une pensée et un imaginaire.
Elles me font bouger, et plus encore, elles font bouger les cloisons qui me découpent,
la façon dont je croyais séparer telle idée de telle autre, telle pratique de tel champ de savoir, telle attitude.
A l'intérieur de moi, les frontières coulissent comme des baies vitrées. Certaines vitres cassent joliment. Les herses qui me coupaient d'un monde s'enfoncent dans le sol et disparaissent.
Il y a des gens capables de dissoudre tes cloisons et d'effacer les frontières entre toi et toi davantage encore qu'entre toi et les autres.
Et quand tombent tes murs intérieurs et tes faux plafonds, tu mesures que tu es plus vaste que tu ne le croyais. Enfin disponible au frisson qui va te trembler. Ton volume vital se met à respirer et à vibrer comme le boomer d'une enceinte. De toi sort doucement une nouvelle musique, qui peut s'écouter, se chanter ou se danser.
Alors, quelque chose, avec les autres, peut se passer. Générosité, chaleur complice, excitation, amitié d'un jour, idées déroutantes, émotions, événements ?
Se passer, oui, des unes aux autres, dans tous les sens du terme. Il y a encore des mots de passe sous les mots d'ordre."
A. Damasio - "Vallée du silicium" - 2024
robustesse, redondance, incohérence
Deux constats empiriques:
1. l'injonction à la performance est au coeur de nos modes de vie
2. la robustesse devient une propriété indispensable face aux instabilités et non-linéarités qui caractérisent les systèmes complexes constituant nos sociétés actuelles
Pourtant, comme le rappelle très justement Olivier Hamant dans ses ouvrages récents, dans les systèmes naturels, le contraire de la robustesse n'est pas la fragilité: c'est la performance.
Ces considérations entrent particulièrement en résonance avec certains aspects des champs Mathématiques que sont la modélisation mathématique, l'analyse numérique et le calcul scientifique.
"Tracts Gallimard -Tracts (N°50) - Antidote au culte de la performance. La robustesse du vivant - O. Hamant, 2023.
Olivier Hamant
croyances, scepticisme, complexité
Durant la pandémie de COVID19, j'ai été pleinement confronté, à titre personnel, aux conséquences bien réelles de la projection "in real life" de certaines croyances irrationnelles.
En tant que chercheur, il m'est bien entendu difficile d'entendre de manière récurrente, et depuis quelques années maintenant, des propositions telles que "la science n'est qu'un système de croyances parmi tant d'autres".
Voici quelques références qui m'ont servies de points de départ pour diverses réflexions autour de ces sujets, et qui peuvent également être utiles comme ressources pédagogiques pour mieux appréhender certaines considérations et préoccupations portées par les étudiants:
- Chaire du collège de France "Métaphysique et philosophie de la connaissance"
Claudine Tiercelin - cours et séminaires
- Science, conscience et environnement. Penser le monde complexe.
Gérald Hess et Dominique Bourg. PUF. 2016.
- Eduquer à l'incertitude : élèves, enseignants, comment sortir du piège du dogmatisme ?
Daniel Favre. Dunod. 2026
- Pourquoi croit-on ? Psychologie des croyances
Thierry Ripoll. Sciences Humaines. 2020
- La Post-vérité ou le dégoût du vrai
Claudine Tiercelin. Editions Intervalle. 2023
- Le doute en question: Parades pragmatistes au défi sceptique
Claudine Tiercelin. Editions de l'Eclat. 2016
- Science et territoires de l'ignorance
Mathias Girel. QUAE. 2017
cinéma
quand je ne dis rien je pense encore (Camille Readman Prud'homme)
"Quand vous n'êtes qu'avec vous-même (mais pas tout à fait : quand dans les rues, les parcs, les magasins, les cafés, le métro, il y a des gens autour mais personne avec vous), vous gardez le silence mais vous pensez toujours, vous pensez à ce que vous avez fait et oublié hier, vous pensez à la ressemblance entre celui que vous venez de croiser et un autre que vous avez connu, aux raisons pour lesquelles vous n'avez pas envie d'aller là où on vous attend. Vous reprenez la dernière conversation que vous avez eue avec votre sœur, mais vous rajoutez ce que vous n'avez pas su dire"
En fragments comme autant de conversations silencieuses avec soi, avec un autre imaginé ou réel, Camille Readman Prudhomme déplie une langue poétique qui œuvre avec délicatesse et une apparente simplicité à creuser en nous-mêmes. Gestes, pas, sensations, regards, rêveries deviennent ainsi des images singulières qui nous extraient du quotidien et de l’évidence.
Lien vers
une lecture enregistrée dans le cadre du Festival de Brangues (France Culture)